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ASAS 2009

ASAS 2009 : le grand malentendu

L’imagerie par résonance magnétique a, au cours des dernières années, pris une place prépondérante dans le diagnostic des spondylarthrites dès lors que les radiographies s’avèrent négatives. Dix ans après la publication des recommandations ASAS 2009, la littérature récente nous éclaire sur les forces mais aussi les faiblesses de l’outil.

La nature des recommandations ASAS 2009

Leur objectif affiché consistait à proposer des critères d’activité de spondylarthrite dans le but de classer des patients à des fins de recherche et de traitement. Pour retenir le diagnostic de spondylarthrite active en IRM, un patient devait être porteur d’une ou plusieurs plages d’hypersignal Stir en position sous-chondrale, visibles sur deux coupes orthogonales ou plus d’une coupe dans le même plan d’étude (2,3).

Dans le même temps, les anomalies structurales étaient laissées de côté compte tenu du fait qu’elles représentent les stigmates d’une atteinte ancienne et que leur spécificité était en soi fortement questionnée. Érosions des berges, condensation et conversion graisseuse de l’os sous-chondral se rencontrent en effet chez des sujets indemnes de tout rhumatisme (4).

Il n’en fallut pas plus pour que nombre d’imageurs intègrent, par confort d’esprit, l’ostéïte sous-chondrale comme un critère nécessaire, suffisant mais surtout quasiment exclusif pour affirmer ou infirmer la présence d’une sacro-iliïte.

Le contexte de l’année 2009

Les rhumatismes axiaux ont, de tout temps, posé le problème de leur traitement mais aussi de leur diagnostic qui représente bien l’étape initiale de leur prise en charge. Si dans les années deux-mille l’avènement des biothérapies devait révolutionner le traitement des formes graves de cette maladie, les rhumatologues restaient dans certains cas désarmés devant le manque de spécificité des outils diagnostiques qu’ils soient cliniques, biologiques ou radiologiques.

C’est dire l’espoir suscité, à l’époque, par l’imagerie par résonance magnétique à laquelle on vint à prêter la double capacité d’identifier les sacro-iliïtes d’une part, mais également d’en évaluer l’activité (1).

Le point d’orgue de ce développement devait résider dans la publication, en 2009, de recommandations de l’Assessment of SpondyloArthritis international Society (2); elles s’avèreront retentissantes tant par le cadre supposé qu’elles donnèrent à la lecture de nos images que par la confusion qu’elles introduisirent dans leur interprétation.

La remise en question

La remise en question qui suivit rapidement fut tout autant théorique que pratique.

Sur un plan théorique, on admettra qu’une utilisation excessive et déraisonnable du seul critère d’”ostéïte” ne survit pas au constat que, dans nombre de formes débutantes ou éteintes de la maladie, l’œdème manque du fait qu’il n’a respectivement pas encore existé ou qu’il a déjà disparu. Le sensibilité du signe est donc très simplement questionnée. Elle n’atteindrait pas 30 à 50% chez les patients porteurs de spondylarthrite.

Sur un plan pratique, l’analyse d’un faible nombre d’examens suffit pour admettre que de nombreuses modifications rencontrées en pratique, répondant pourtant aux critères d’ostéïte de l’ASAS 2009, représentent à l’évidence des faux positifs à l’égard de la sacro-iliïte. On citera par exemple les vaisseaux sous-chondraux et leur aspect tubulé, les kystes sous-chondraux et leur aspect nodulaire mais également les plages d’œdème sur arthrose et leur localisation si particulière sur le versant antérieur et moyen des articulations (5). Le fait que cette sémiologie soit, de façon étonnante, absente de ces recommandations permet en soi de remettre en question la spécificité des critères ASAS d’ostéïte dans le diagnostic de la sacro-iliïte.

L’utilisation des critères d’ostéïte fut challengée, en IRM, sur des populations de sujets porteurs de lombalgies chroniques explorées en routine et dans laquelle il est admis que le taux de malades atteints de spondylarthrite n’excède habituellement pas 5 %.

Pour Arnbak, pas moins de 20% des sujets étudiés sont éligibles au diagnostic de sacro-iliïte sur la base des critères de l’ASAS (5).

Pour van Hoeven, ce chiffre atteint 17% en considérant que, de façon là encore discordante avec les données statistiques des populations atteintes de spondylarthrite, seulement 38% des sujets éligibles sont des hommes et que seulement 20% du total sont porteurs d’un gène HLA B27 (5-6).

Les critères ASAS 2009 d’ostéïte génèrent, en somme et de façon un peu caricaturale, au moins trois faux positifs pour un vrai positif.

L’équipe de van Hoeven continue de nous ramener sur la terre du “primary care” qu’est notre pratique par le biais d’une autre étude retrouvant des chiffres similaires sur une population de sujets sains, de coureurs de fond et de femmes enceintes lombalgiques… (7). On les en remercie.

En 2016, l’ASAS a légèrement modifié ses critères en suggérant que le diagnostic d’ostéïte requiert “la présence de foyers d’ostéïte francs et fortement évocateurs”. Peu de place reste faite aux modifications structurales ainsi qu’aux modifications arthrosiques dont seule la localisation antérieure et moyenne est brièvement très brièvement évoquée (3). Une nouvelle version vient d’être publiée en Novembre 2019 (8).

Et maintenant ?

Les limites des recommandations ASAS étant désormais affichées, deux axes nous semblent permettre d’affiner notre performance dans le diagnostic d’une sacro-iliïte: mieux reconnaître l’arthrose sacro-iliaque d’une part et redonner la place qui leur est due aux anomalies structurales d’autre part.

L’arthrose sacro-iliaque, connue pour être peu symptomatique au regard de sa forte prévalence avec l’âge (9), intéresse typiquement la partie antérieure et moyenne des articulations où se concentrent les contraintes, à la marge de la “pierre d’angle” que représente le sacrum intercalé entre les deux pièces iliaques. D’autres localisations d’arthrose, plus postérieures, ont fait l’objet d’un éclairage récent par El Rafei et l’équipe d’Anne Cotten (10). Elles surviennent au sein d’articulations accessoires relevant d’une dysmorphie de l’os iliaque à la partie postéro-inférieure de l’articulation ou de véritables promontoires osseux déterminant des facettes de localisation volontiers un peu plus apicale. Ces modifications s’étudient avantageusement sur une vue axiale oblique des interlignes que nous intégrons de longue date dans nos explorations par l’IRM. Ces foyers arthrosiques hébergent des modifications œdémateuses franches mais dont la localisation et la forme suffisent à ne pas les confondre avec celles d’une sacro-iliïte.

Les modifications structurales revêtent historiquement plusieurs signes incluant par ordre chronologique d’apparition supposé des érosions, une condensation, une transformation graisseuse de l’os sous-jacent puis une ankylose articulaire. Selon Macsymowytch, ces signes seraient bien présents dans 30% des sacro-iliïtes non radiographiques et ce en l’absence de tout œdème sous-chondral (11).

La spécificité douteuse de ces signes, en particulier quand ils sont discrets, incite toutefois à les utiliser prudemment. Des pseudo-érosions des berges articulaires sont en effet rencontrées chez le sujet sain (4).

Des érosions vraies sont constatées dans des formes dites “érosives” d’arthrose; une condensation des berges se rencontre dans diverses affections mécaniques incluant l’arthrose et l’ostéose iliaque condensante; l’ankylose se rencontre enfin dans le cadre de banales hyperostoses squelettiques idiopathiques du sujet âgé ou chez des sujets plus jeunes et spontanément porteurs d’une faible mobilité des articulations sacro-iliaques (12).

Une astuce utilisée par un nombre croissant d’imageurs consiste, dans les cas douteux, à valider ou non la présence des érosions et/ou condensations par la réalisation d’un scanner complémentaire, outil dont on peut dire qu’il revient en force dans l’arsenal diagnostique des spondylarthrites. Celui-ci doit dans l’idéal être réalisé et interprété conjointement à l’IRM. Un point clé dans l’identification des érosions réside dans la recherche d’interruptions larges et non nodulaires de la lame osseuse sous-chondrale, à contours flous en phase active et cernés d’une condensation s’estompant progressivement vers la profondeur de l’os en phase plus chronique.

C’est dans ce contexte d’un regain d’intérêt pour les anomalies structurales que se situe, depuis quelques années, l’émergence d’un nouveau signe sémiologique en IRM appelé le “backfill”. S’il semble utile au vu des premiers articles disponibles, sa valeur diagnostique méritera d’être plus étudiée dans l’avenir.

Au total le diagnostic par IRM d’une sacro-iliïte reste dans certains cas subjectif et très “lecteur dépendant”, tout étant en fait question de “seuils” définissant une assez vaste typologie d’imageurs. L’imageur exigeant placera son seuil haut, au risque de nombreux faux négatifs. L’imageur crédule à l’égard de l’ASAS 2009 placera son seuil bas, au risque de nombreux faux positifs. La vérité est sûrement comme toujours entre les deux mais une chose est sûre : la qualité diagnostique d’une IRM des articulations sacro-iliaques répond de règles strictes de réalisation et de lecture qu’il convient de connaître mais également d’appliquer.

Ce thème sera traité par Raphaël Guillin au 40ème Congrès d’Imagerie de Val d’Isère le 16 Mars 2021.

ASAS 2009

“Une astuce utilisée par un nombre croissant d’imageurs consiste, dans les cas douteux, à valider ou non la présence des érosions et/ou condensations par la réalisation d’un scanner complémentaire”

RÉFÉRENCES UTILES

1- Heuft-Dorenbosch L et al. Magnetic resonance imaging changes of sacroiliac joints in patients with recent-onset inflammatory back pain: inter-reader reliability and prevalence of abnormalities. Arthritis Res Ther 2006; 8(1): R11.

2- Rudwaleit M et al. Defining active sacroiliitis on magnetic resonance imaging (MRI) for classification of axial spondyloarthritis: a consensual approach by the ASAS/OMERACT MRI group. Ann Rheum Dis. 2009; 68(10): 1520-7.

3- Lambert RG et al. Defining active sacroiliitis on MRI for classification of axial spondyloarthritis: update by the ASAS MRI working group. Ann Rheum Dis 2016; 75(11): 1958-1963

4- Puhakka KB et al. MR imaging of the normal sacroiliac joint with correlation to histology. Skeletal Radiol. 2004; 33(1): 15-28.

5- Arnbak B et al. Prevalence of degenerative and spondyloarthritis-related magnetic resonance imaging findings in the spine and sacroiliac joints in patients with persistent low back pain. Eur Radiol 2016; 26(4): 1191-1203

6- van Hoeven L et al. Identifying axial spondyloarthritis in Dutch primary care patients, ages 20-45 years, with chronic low back pain. Arthritis Care Res (Hoboken). 2014; 66(3): 446-53.

7- de Winter J et al. Magnetic resonance imaging of the sacroiliac joints indicating sacroiliitis according to the assessment of spondyloarthritis international society definition in healthy individuals, runners, and women with postpartum back pain. Arthritis Rheumatol 2018; 70(7): 1042-1048.

8- Maksymowych WP et al. MRI lesions in the sacroiliac joints of patients with spondyloarthritis: an update of definitions and validation by the ASAS MRI working group. Ann Rheum Dis. 2019 Nov; 78(11):1550-1558.

9- Berthelot JM et al. Sacroiliac joint edema by MRI: far more often mechanical than inflammatory? Joint Bone Spine 2016; 83(1): 3-5.

10- El Rafei M et al. Sacroiliac joints: anatomical variations on MR images. Eur Radiol 2018; 28(12): 5328-5337.

11- Maksymowych WP et al. Fat metaplasia and backfill are key intermediaries in the development of sacroiliac joint ankylosis in patients with ankylosing spondylitis. Arthritis Rheumatol 2014; 66: 2958-67.

12- Leibushor N et al. CT Abnormalities in the sacroiliac Joints of patients with diffuse idiopathic skeletal hyperostosis. AJR 2017; 208(4): 834-837.


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